À l’occasion des Journées du patrimoine, les 21 et 22 septembre 2019, le château de Sourches a accroché à nouveau deux de ses plus belles tapisseries d’origine. Des pièces rares qui datent du XVIIe siècle qui avaient été vendues aux enchères dans les années 90.
Elles tombent parfaitement sur les panneaux de murs de la grande salle à manger du château. Les couleurs, la luminosité, elles semblent avoir été tissées pour être ici, dans ce château, à cette place. Debout, face à ces tapisseries gigantesques de 5m60 pour “« L’enlèvement de Proserpine »” et 2m62 pour “« Neptune et Cérès »”, trois émotions se mêlent.
Offertes au château par un mécène
Celle d’abord de Bénédicte de Foucaud, l’actuelle châtelaine, installée à Sourches depuis 2001 qui n’avait jamais connu ses tapisseries autrement qu’en photo. “« Elles sont d’une finesse incroyable »”, apprécie-t-elle. “« On a su qu’elles étaient en vente mais on n’avait pas les moyens de les acquérir »”, continue la propriétaire des lieux. À la place, Bénédicte de Foucaud et son mari avaient installé une autre tapisserie, acquise là aussi au très réputé hôtel des ventes Drouot, et toute une collection de vaisselle japonaise. Mais quand un généreux mécène leur propose de racheter les tapisseries d’origine pour les installer à nouveau dans leur château, la salle à manger est vite réaménagée. “« C’est vrai qu’elles semblent avoir été toujours là »”, sourit Bénédicte de Foucaud.
Des pièces d’une facture rare
L’œil attentif au moindre détail et la main qui caresse le tissu, Carole Redais gère la mise en place des tapisseries avec fierté. C’est à elle qu’a été confié le travail de restauration de ces deux pièces au mois de janvier dernier. “« Ce sont des tapisseries magnifiques, c’est très rare d’avoir accès à de telles pièces »”, précise celle qui s’est installée à son compte à Blois depuis quatre ans. Carole Redais loue la douceur du tissu, “« composé principalement de soie et de laine »”, la vivacité des couleurs, “« un bleu roi profond qui n’a rien perdu de sa luminosité en quatre siècles »” et la qualité du travail, “« on compte 80 points au cm² contre une dizaine de points sur des canevas grand public que l’on trouve en magasin. »”
La restauratrice n’a pas compté ses heures sur ce projet. « La plus petite des deux, “Neptune et Cérès”, était en meilleur état. J’y ai consacré à peu près 70 heures. Mais la grande pièce avait été abîmée par des entretiens multiples et répétés, j’y suis restée plus de 420 heures. »
Entre la doublure et la tapisserie, Carole Redais nous montre les points de reprise qui ont été réalisés. “« On voulait rester au plus proche du travail d’origine, surtout ne pas abîmer plus le tissu. »” Rien n’a été touché sur les couleurs, “« le bleu que vous voyez, si dense, si précis, c’est celui de l’artiste en 1660. Je trouve ça très émouvant. »”
« Elles appartiennent au château »
Reste dans cette pièce l’émotion des petites mains, celles qui aident ce jeudi 19 septembre 2019 à remettre en place les tapisseries. Celles notamment de Christian Benoît, tapissier du Mans aujourd’hui à la retraite, qui voit renaître le château de Sourches et ses souvenirs derrière ces œuvres. “« Je travaillais souvent pour la famille des Cars, je me souviens d’avoir vu ces tapisseries du coin de l’œil quand je venais réaliser quelques travaux »”, raconte-t-il. “« Je me souviens m’être dit que c’était magnifique, même si je n’avais pas pris le temps de m’arrêter devant. »”
Des années plus tard, après le scandale des châteaux dépouillés par une société japonaise, auquel fut associé le château de Sourches, “« je suis entré à nouveau dans cette salle à manger. Je me souviens du grand vide. Plus de meubles, rien aux murs. Ça a été un choc. »” Christian Benoît touche avec un respect presque religieux les tapisseries qu’il vient d’installer. “« Ce n’est pas qu’un vulgaire bout de tissu. C’est un travail vieux de quatre siècles, on dirait presque une peinture dans les détails. »” Lui connaît l’histoire sur le bout des doigts. “« À l’époque, l’atelier des Gobelins n’existait pas encore, elles ont été créées dans un petit atelier parisien à l’époque de Louis XIII. »”
Pour lui, il est évident que leur place est sur ces murs. “« Elles appartiennent à Sourches, plus encore qu’à ses propriétaires. Elles doivent rester ici car un château, c’est plus qu’un grand tas de pierre, c’est tout un patrimoine. »” Un patrimoine que le public pourra découvrir à l’occasion des visites du patrimoine ces 21 et 22 septembre 2019.
Pratique
Entrée au château : 6 €. Ouverture exceptionnelle des appartements du marquis de Sourches et de la grande salle à manger. Samedi et dimanche, de 14 heures à 19 heures.