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AU JARDIN CE WEEK-END – ‘Verdun’, ‘Victoire de la Marne’, ‘Madelon’…: nombre de pivoines portent des noms qui se réfèrent à la Grande Guerre. C’est le moment de les admirer avant de les planter… le 11 novembre, pour le centenaire de l’armistice.

Dépêchez-vous de profiter des pivoines! Si les admirables corolles froufroutantes des espèces arbustives sont pour la plupart déjà fanées, les herbacées, plus tardives, se préparent à éclore comme des bouchons de champagne. Le feu d’artifice tant attendu risque cependant d’être de courte durée. Avec les températures estivales annoncées pour le week-end et le début de semaine prochaine, ces belles éphémères, qui n’offrent que du vert le reste du temps quand elles ne disparaissent pas carrément sous terre en hiver, risquent de l’être encore plus que d’ordinaire.

«Dans dix jours, tout sera fini!» avertit Bénédicte de Foucaud, qui accueille dans les jardins et les douves de son château de Sourches, à Saint-Symphorien, près du Mans, un extraordinaire conservatoire de la pivoine, composé de plus de 2200 variétés que le public peut encore venir admirer jusqu’au dimanche 3 juin au soir.

Charmant opuscule

Pour mieux faire connaître ces plantes extraordinaires, ramenées de Chine et du Japon, au XIXe siècle par d’intrépides «botanistes-explorateurs», et honorer les soldats de la Grande Guerre dont on fêtera le centenaire de l’armistice le 11 novembre prochain, elle vient de publier un charmant opuscule consacré à 19 variétés dont le nom évoque cette page sombre de notre histoire.

En parcourant cet Hommage aux poilus, on fait la connaissance de ‘Sang lorrain’, une arbustive aux pétales rouge acajou, de ‘Victoire de la Marne’, baptisée en 1915 au lendemain de la célèbre bataille, de ‘Sarah Bernhardt’, une lactiflora rose, double et généreuse comme la grande artiste qui partit sur le front chanter pour les soldats. Il y a aussi la délicate ‘Edith Cavell’ aux fleurs blanc immaculé à l’image de cette infirmière britannique morte en martyr, celles qui portent le nom de personnages illustres comme ‘Clemenceau’ ou ‘Président Wilson’, sans oublier ‘Verdun’, «simple et rouge sang» comme une évidence… Une magnifique leçon d’histoire et de botanique, «comme si la poésie des fleurs pouvait transcender l’horreur des batailles», écrit Bénédicte de Foucaud.

Planter avant les grosses chaleurs

Toutes ces merveilles figurent évidemment dans son étonnante collection qui rassemble les trois quarts du «stock mondial» de variétés de pivoines, à l’exception des hybrides américains et chinois, d’obtention récente, qui ne brillent guère par leur originalité. Elles peuvent aussi prendre place dans votre jardin. À condition de patienter jusqu’au… 11 novembre.

La «mer de pivoines» du conservatoire de Sourches.

«Quand, ils achètent des pivoines, la plupart des gens ont besoin de les voir en fleur, ce qui est compréhensible. Sauf qu’en cette saison, la reprise est plus difficile qu’à l’automne lorsqu’on les plante racines nues» explique-t-elle. Difficile mais pas impossible sous réserve de prendre certaines précautions.

D’abord, se dépêcher car les pivoines doivent être le mieux enracinées possible avant les grosses chaleurs. Pour cela, il est impératif de tremper convenablement la motte avant de la mettre en terre et de veiller ensuite à ce qu’elle ne manque pas d’eau surtout lors des épisodes de canicule. «On peut aussi les mettre en jauge en sectionnant la base du conteneur et les laisser tranquilles jusqu’à l’automne où elles seront tranquillement installées à leur emplacement définitif, poursuit Bénédicte de Foucaud. C’est même mieux, car on profite ainsi de leur floraison jusqu’au bout tout en évitant de toucher aux racines à une période où elles n’aiment pas ça du tout!».

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À l’automne, on prendra soin de les planter au soleil, pour la plupart, à mi-ombre pour certaines, dans un trou de 40 cm de profondeur sur autant de large, en recouvrant les bourgeons de la base de 2 à 3 centimètres de terre, pour les pivoines herbacées. En revanche, ceux des espèces arbustives (suffritocosa, delavayi, lutea…) doivent être enterrés à 10 cm pour permettre au pied de s’affranchir de son porte-greffe.

En situation très argileuse, Bénédicte de Foucaud, recommande de remplacer la terre par un mélange composé d’un tiers de sable, d’un tiers de tourbe blonde et d’un tiers de terreau et de planter la pivoine sur une butte de 10 à 15 cm de hauteur. Les représentantes du genre Pæonia détestent rien tant que d’avoir durablement le pied trempé. Il est d’ailleurs recommandé, une fois que le pied est bien enraciné, de trop les nourrir ou de trop les arroser, si on veut éviter de les voir faire que… des feuilles.